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Mais la nuit, quand du ciel l’obscurité profonde
Aiguise la mémoire, en lui cachant le monde :
Quand la fièvre du bruit et de l’activité
N’étourdit plus du cœur la rêveuse àcreté :
La nuit, l’isolement nous apparaît sans voile :
Un rayon de douleur descend de chaque étoile.
S’il faut jamais sans toi, Maria, voyager,
A d’autres temps meilleurs comment ne pas songer,
Aux jours où, partageant quelque humble solitude,
J’ai souvent dans mes bras Itercé ta lassitude,
De tes mains dans mes mains réchauffé le frisson :
Où, de ton sein captif dénouant la prison,
J’entr’ouvrais au sommeil ses barrières de gaze :
Où mes soins paresseux, qu’allongeait mon extase,
Bouclaient de tes cheveux les nocturnes anneaux :
Où, confiant ta vie à de jaloux rideaux,
Je n’osais, caressant ta moelleuse indolence,
De mes muets baisers elfleurer ton silence :
Où, chaste surveillant, mon œi\ religieux
Cherchait à voir en toi comme on dort dans les cieux :
Où je t’enveloppais des songes de mon aine :
Où, jusque dans tes sens n’osant porter ma flamme,
Mon haleine idolâtre et mon souffle hardi
Couvaient, de tes pieds nus, l’albâtre refroidi ?
Où fuir le souvenir de ces nuits adorées ?
Quand, du globe soumis épuisant les contrées,
J’y traînerais la rage et l’ennui de mes pas,
Où rencontrer des jours, qui ne finissent pas ?