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Quand j’irais, abordant le front des Cordillères,
De leurs glaciers béants franchir les fondrières,
De son Chiniboraço détrôner le condor,
Défier l’Imaus, attaquer le Thabor,
Épier l’avalanche, ou le torrent de vase,
Qui sort démuselé des gueules du Caucase :
Dis, crois-tu qu’absorbé dans ce sublime effroi,
J’oublirais la montagne où je veillais sur toi,
Où je te défendais contre les précipices,
Où tu m’as vu, perdu dans de vagues délices,
Remercier du cœur les pâtres d’alentour,
Qui te donnaient mon nom, en voyant mon amour ?
Comment le dépister, ce spectre de la Suisse :
Où boire de l’oubli le nébuleux calice’?
iNulle part : le bonheur n’est pas là plus qu’ici ;
On le trouve partout… et le malheur aussi.
J’ai souvent avec joie égaré, sur la terre,
Ma curiosité nomade et solitaire ;
Mais, depuis que j’ai vu mes chemins, plus heureux,
Se peupler sous tes pas du charme d’être deux,
Comment recommencer ces courses égoïstes ?
Qu’avec des souvenirs les voyages sont tristes !
Le jour, un nouveau site, un orage, un écueil,
De nos yeux étonnés peut distraire le deuil ;