Quand, au pied du Mont-Blanc, j’ai reçu ta promesse
J’ai cru que ce témoin, garant de ta tendresse,
Lui prêtait une part de son éternité ;
Mais il n’a garanti que ta fragilité :
Et, comme le soleil, dont sa cime étincelle,
Fond l’argent cotonneux de sa neige nouvelle,
Le souffle des plaisirs a bien vite emporté
Le mensonge brillant de ta fidélité.
Quand ma pensée encor, les tiennes pour compagnes,
Sillonne l’Helvétie et sa mer de montagnes,
Se fait de ces rochers autant d’énormes tours,
Que bat, comme un drapeau, le vol noir des vautours,
Ou montant avec l’aigle à l’assaut des orages,
Semble aux écueils du ciel arborer ses naufrages :
Toi, pour un monde abject, désertant ces grandeurs,
Tu vas dans ses salons t’enfumer de fadeurs !
Tu ris de ma pensée en deuil de ces spectacles :
Et tu veux, pour guérir mes yeux de ces miracles,
Tu veux que je m’en aille, en quête des hasards,
Traîner, je ne sais où, la soif de mes regards !
Dis-moi donc sur quels bords le cœur perd la mémoi re,
Sous quel astre on ne croit que ce que l’on veut croire,
Sous quel tropique heureux l’amour n’a point d’hiver !
Vain rêve, hélas ! écrit dans le vague de l’air !
Le chagrin suit partout celui qui s’y dérobe,
Et d’un ennui vivacc ensemence le globe.
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