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Ce sera le plus triste, hélas ! le Souvenir,
Puisque, en deuil du présent, je n’ai point d’avenir.

Ce sera toi plutôt, dont la main m’abandonne,
Qui m’as fait plus demal, qu’un mourant n’en pardonne,
Qui m’as fait plus de bien, que je n’en ai rêvé :
Être bizarre et cher, qui m’étais réservé,
Messager douloureux du sort qui me réclame,
Qui m’apparus, si beau, sous les traits d’une femme !
Oui, mon ange, au moment d’exposer, dans mes vers,
L’enfantement de l’homme, achevant l’univers :
L’homme, à peine échappé du limon de ses langes,
S’expliquant la nature et Dieu par des louanges,
Multipliant ses sens pour pouvoir tout saisir,
Et créant sa compagne à force de désir :
Au moment de reprendre une œuvre interminable,
Et, sondant du Très-Haut l’énigme inexplicable,
D’aller redemander, à l’antique chaos,
Quel souffle féconda la torpeur de ses flots :
C’est toi que je supplie, ô sainte bien-aimée,
Mon épouse, ma sœur, ma pensée animée :
Ou, si l’idolâtrie a quelques noms plus doux,
Ma fille, dis-les-moi : je te les donne tous.

Comme l’esprit divin sur les fronts qu’il éclaire,
Fais voltiger sur moi ton esprit tutélaire.