Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/271

Cette page n’a pas encore été corrigée

Rien ne peut à la crainte arracher ses esprits ;
Sans savoir son malheur, il l’a déjà compris.
Las ! tes pressentiments ne sont pas du vertige.
La fleur que tu chéris a plié sur sa tige :
La mort a visité l’Éden de ton amour,
Et tes deux orphelins attendent ton retour.
Enfin la nuit se passe… il écoute… on l’appelle..,
Son cœur plein d’Eliza croit sentir que c’est elle…
C’est un être souffrant qui finit de souffrir…
Il ne la voyait pas : il l’entendait mourir.

Il court !… plus rien. Il tremble… il a peur… il espère.
Haletant, il arrive. « — Ah ! te voilà, mon père ! »
Lui dit son jeune fils, en lui tendant la main.
« Nous t’attendions hier, pourquoi viens-tu demain ?
» Nous nous sommes perdus, lesoir, pendant la guerre.
» Maman s’est fait du mal : elle est là, sur la terre,
» Qui dort. Elle est tombée, et puis elle m’a dit :
» Je ne puis plus marcher ; prends garde, cher petit,
» Prends bien garde à ta sœur, pendant que jesommcille.
» Mais elle dort toujours, sans que rien la réveille ;
» Elle ne m’entend pas, et pourtant j’ai bien faim. »
Hélas ! elle dormait, tenant contre son sein
Sa fille, qui tremblait, ayant aussi froid qu’elle :
Sa fille qui, collée à sa froide mamelle,
Cherchait sous la blessure un reste d’aliment.
Le soldat consterné mesurait sou tourment.