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Buvons donc sans pâlir à la coupe de fiel :
Car les afflictions tiennent les clefs du ciel.

IX.
Souffrons ! mais n’allons pas, amoureux des supplices,
Saigner stérilement sous le crin des cilices :
S’inventera loisir sa propre adversité,
C’est s’arroger le sceau de la Divinité.
Qui sait, en nous forgeant des maux à notre taille,
Si nous n’évitons pas quelque insigne bataille,
Oui nous aplanirait les hauteurs du saint lieu !
Se frapper, malgré lui, c’est souffleter son Dieu.
Lacroix, de nos tourments, n’est qu’un divin emblème :
Mais Dieu qui l’attendit, ne s’y mit pas lui-même.
Si nous la rencontrons, comme lui, sur nos pas,
Portons-la, sans gémir : mais ne la dressons pas.

X.
Ce Dieu n’exige point d’inutiles tortures :
Laissons-lui donc le soin de choisir nos blessures,
Et croyons qu’il vaut mieux, ignorant l’avenir,
Fléchir sous ses arrêts, que de les prévenir.
Le prier ! c’est l’aimer : c’est aimer ceux qu’il aime,
Et faire un peu du bien, qu’il prodigue et qu’il sème.