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Pour rejoindre, en mourant, sa mère occidentale,
Que dévore du nord la gangrène vandale.
Heurtés par le croissant, ses murs croulent : soudain
Comme un aigle endormi, qui renaît souverain,
Et rappelle de l’œil son trône de nuage,
Quand la foudre qui tue ouvre, en tombant, sa cage :
Comme cet aigle éteint, sous ses barreaux tapi,
Qui relève, à la flamme, un plumage assoupi,
L’esprit humain captif s’éveille à cette chute,
Et se sent repousser des ailes pour la lutte.
Il s’envole : et, quittant ces climats hébétés,
S’abat dans l’Italie, affamé de clartés.
Le jour revient : le jour ressuscite l’étude :
De la philosophie on reprend l’habitude,
Et l’énigme de Dieu se scrute de nouveau.
Impuissant à trouver, notre aride cerveau
Distille du passé l’intarissable lie,
Et de tous les vieux morts exhume la folie.
On commente leur texte et ses difficultés,
Et l’on n’en tire rien, que des subtilités.
Plus vivace qu’eux tous, c’est encor Aristote,
Qui couvre l’univers de son ombre despote.
Ce règne d’un fantôme est partout respecté,
Et dure, sans faiblir, un temps illimité.
Au nord comme au midi, en France, en Angleterre,
C’est lui qui tient partout la clef du grand mystère,
Et qui ne l’ouvre pas. Son spectre est presque un Dieu,
Dont notre encens jaloux n’obtient pas un aveu :