Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/175

Cette page n’a pas encore été corrigée

Sur ses champs embourbés jette une aride nuit.
Il y pousse des fers : la liberté s’enfuit :
Et, des rives du Nil, la Sagesse venue,
Y retourne planter sa vertu méconnue ;
Mais le sol de l’Égypte est usé pour le bien :
On se souvient de tout, et l’on n’invente rien.
Des philosophes grecs ressassant la mémoire,
On cherche la nature au fond de leur histoire,
Et, quelque effort, qu’on fasse, on ne va pas plus loin ;
Quoiqu’on lui parle encor, Dieu n’a plus de témoin.

XXI.
Même stérilité sous le beau ciel de Rome :
Le désert est entré dans la tête de l’homme.
On y disserte encor sur l’art de s’égorger ;
Mais, sur tout autre objet, penser, c’est déroger.
Ce peuple, abâtardi par l’amour de la guerre,
S’entend mieux à piller qu’à déchiffrer la terre.
Formé par des soldats et des gladiateurs,
Son dialecte rude, et propre aux orateurs,
Quoiqu’il ait su fleurir aux lèvres des poètes,
Ne sait pas s’arranger des sciences abstraites.
Sans en chercher la cause, on raconte les faits :
On discute souvent : on ne sonde jamais.
On méprise, on poursuit, on hait les philosophes :
Leur doctrine est en butte aux mêmes catastrophes.