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Comme ces tresses d’ambre, ou d’ébène bouclé,
Que tourmente avec art l’ivoire dentelé,
Il mêle avec malice et démêle ses gammes.
Ses chants capricieux sont des bouquets de flammes,
Qui s’effeuillent dans l’air : puis, rayons par rayons,
Renaissent diamants, pour mourir papillons.
La corde, qui s’anime et qui se transfigure,
Semble, au lieu d’un oiseau, défier la nature.

Le pauvre rossignol, quoique déjà bien las,
Ne peut pas se résoudre à lui céder le pas :
Et, tout petit qu’il est, il est plus brave encore.
Il enfle de sa voix la richesse sonore ;
En battement agile il la roule, et soudain
Il la laisse expirer, comme un soupir lointain.
C’est un chapelet d’or, un collier de rosée
Qui serpente et fleurit dans l’ombre électrisée ;
Son chant veut à son tour refléchir l’univers.
Les étoiles du ciel scintillent dans ses airs,
L’eau qui bondit et court, le feuillage qui tremble,
Dans ses thèmes fugués se retracent ensemble.
Le combat le soutient : et lutteur indompté,
Sa voix, prête à mourir, redouble-de clarté.
Ce n’est plus d’un oiseau les cadences mortelles,
C’est la musique même, une âme avec des ailes ;
Et le trouvère ému, moins jaloux que charmé,
Laisse à ses pieds tomber le luth inanimé ;