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O toi, qui tais les fleurs, fais en pousser beaucoup,
Pour cacher mon tombeau, que j’aperçois partout. »
Et le printemps revint, rapportant, sous ses ailes,
Autant de rossignols que de roses nouvelles,
Semant, improvisant les bouquets sur ses pas ;
Mais pour ma pauvre sœur, la santé ne vint pas
Dénouer de son mal l’inexorable chaîne.
Ses lèvres se plongeaient à la source prochaine :
Mais l’onde qui guérit ne coule point pour nous.
Quand elle y demandait la vie à deux genoux,
Elle ne trouvait pas d’échos dans la chapelle :
Ceux qui parlent d’espoir se taisaient tous pour elle,
Et l’ange qui console était loin de ses pleurs.
Sans connaître nos maux, comprenant ses douleurs,
Un ami, (les humains n’ont pas tant de constance) ;
Surveillait, jour et nuit, cette frêle existence.
Jusque dans son silence, on voyait qu’il l’aimait ;
il la suivait partout, et lorsque tout dormait,
Au seuil de sa cabane, il faisait sentinelle.
S’étonnant quelquefois de le voir si fidèle,
En secouant la tète, elle disait : « Hélas !
Comment, d’être avec moi, n’es-tu point encor las ?
Jadis, et tu le sais, je jouais dans la plaine :
Tu partageais mes jeux, comme aujourd’hui ma peine.
Je traversais les champs avec rapidité,
Et tes rapides pas volaient à mon côté.
Immobile à mes pieds, maintenant que je pleure,
Sais-tu que Julia va changer de demeure ?