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Pareille à cette fleur qui, sur le bord d’un champ,
Du soc qui passera ne craint pas le tranchant.
Comme un fruit généreux dont nous hâtons la perte,
Quand nous interrogeons sa richesse encor verte,
Julia périssait, et son mal était lent.
Souvent ma vieille mère assurait, en filant,
Que l’amour nous désolé autant qu’il nous enivre :
Qu’il fait souvent mourir ceux qu’il ne fait pas vivre,
Et que ma sœur mourait de ce mal insensé ;
Elle en parlait si peu, que je l’avais pensé…
Sous nos saules voûtés, je l’ai souvent surprise,
Le soir : et là, muette, elle restait assise,
Regardant à ses pieds l’eau du ruisseau courir.
Moi, pour la consoler, j’avais l’air de souffrir,
Et ses lèvres alors, tremblantes de faiblesse,
Laissaient poindre un sourire à travers leur tristesse,
Comme on voit, du soleil, un rayon détaché,
Percer l’obscur nuage, où l’astre s’est caché.
Du jour trop prompt à fuir elle accusait la fuite,
Et trouvait, le matin, qu’il revenait trop vite ;
Et quelquefois encor, afin de mieux pleurer,
Dans le fond du bois sombre elle allait s’égarer.
« Doux printemps, disait-elle, oh ! presse ta venue :
Pour allonger mes jours,’dont le poids diminue,
Mets tes fils de la Vierge autour de mon fuseau.
Dis à tes rossignols de chasser cet oiseau,
Qui vient, toutes les nuits, sur mon toit solitaire,
De la part de la mort, m’appeler sous la terre.