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Assiégent de dangers les pas du voyageur,
Où d’antiques ravins la profonde largeur
Semble, en se dérobant sous l’épaisseur des neiges,
Tendre au vol du chamois d’inévitables pièges :
Aux bords d’une cascade, au pied d’un frais coteau,
Il naquit autrefois, dans un simple château,
Deux enfants, qu’on nommait Eudoxe et Léonie.
Venus du ciel, leur àme en demeurait bannie :
Le jour était, hélas ! un secret pour tous deux ;
Et leurs mères long-temps s’affligèrent sur eux.

Etrangers à la terre, à son intempérie,
On eût dit qu’en eux-même habitant leur patrie,
Ils ne voulaient pas voir nos climats orageux.
Ilssemblaient, aux regardsqui surveillaient leurs jeux,
Vivre dans ce sommeil, qui s’agite, se lève,
Et donne un air de vie aux mensonges d’un rêve.
Un mystère assidu voltigeait sur leurs pas,
Et tout était marqué du sens qu’ils n’avaient pas.
A chaque instant du jour prenant un mot pour l’autre,
Leur langage imprévu déconcertait le nôtre.
Ils donnaient une forme au froid, à la chaleur,
Et cherchaient à tâter la fraîcheur d’une fleur.
Quand ils la respiraient, leur naïve ignorance
S’informait du parfum qu’avait sa transparence :
Et ces jeunes enfants demandaient quelquefois
Quelle couleur avait leur haleine ou leur voix.