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Ah ! s’il avait voulu !... Mes chers amis, j’espère
Que vous respecterez l’erreur de votre mère,
Et ne combattrez pas avec son souvenir,
J’y suis intéressé ; c’est là mon avenir,
Et j’en jouis ici, peur de mésaventure,
Car je crois le tombeau, fort sourd de sa nature,
Et ce qu’on dit dessus, peut s’égarer dessous.
N’importe ! Ce foyer, où mon ombre avec vous
Restera, je me plais à l’arranger en rêve :
C’est là le paradis que la muse m’élève.
Quand vous aurez mon âge, et ne ferez plus rien
Que d’achever vos nids, où j’aurai fait le mien,
Je ne vous dirai pas qu’il faut, par gratitude,
Me lire tous les jours avec sollicitude ;
Non, ce serait aussi par trop religieux.
Mais au Val quelquefois, vers le soir, quand les cieux,
Comme un tapis, de fleurs, se damassent d’étoiles ;
Quand des vaisseaux d’argent, gonflant l’or de leurs voiles,
Naviguent dans les airs sous le vent du croissant ;
Quand sous les bois, brunis par le jour décroissant,
Le rossignol s’éveille, et chante sur sa branche ;
Quand la tête des fleurs languissamment se penche,
Pour dormir ; quand la brume, autour du tronc des arbres,
Monte comme les plis d’une vapeur de marbres ;