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Un peu plus tard, enfants, vous oublîrez ces vers,
Pour écrire dans l’ombre, et souvent de travers,
De petits billets doux, de vingt ou trente pages,
Qu’on trouvera trop courts : ravissants bavardages,
Où ce qu’on dit cent fois est toujours inédit,
Ce qui fait par bonheur qu’on n’a jamais tout dit.
De mon livre égaré dans leurs mains peu dévotes,
Vos maîtresses, un jour, feront des papillotes
Peut-être : et, vous, amis, de vos doigts inhumains,
Peut-être au sacrilége aiderez-vous leurs mains ?
Ce sont là des délits, que mon cœur vous pardonne :
Le mal, fait au printemps, se répare à l’automne.

Ce qui m’affligerait, enfants, c’est de prévoir
Qu’à l’âge, où vous saurez ce que je crois savoir,
Votre oubli négligent laissera, sans rien dire,
L’herbe de mon tombeau pousser jusqu’à ma lyre.
Mais je ne le crains pas. Je me plais à penser,
Qu’à l’âge où le plaisir, lent à nous agacer,
Nous appelle si bas qu’on a peine à l’entendre,
Vos yeux se tourneront du côté de ma cendre.