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Car ce forget me not est pesant comme quatre :
Et, quand vous serez grands, il faudra vous ébattre,
À voir si le dedans vaut mieux que le dessus,
Si mes vers trop nombreux sont pourtant bien tissus :
C’est long ; mais le travail fait les destins prospères,
Et les fils dévoués sont le trésor des pères.

Mieux vaudraient aujourd’hui, pour vous, ces beaux joujoux,
Dont le prix le plus haut ne passe pas dix sous,
Qu’un livre qui me coûte, à moi, bien des années,
Et des larmes, peut-être assez mal détournées.
Demain, c’est un cheval qui tend bien le jarret,
Un épagneul chasseur, ferme sur son arrêt,
Que vous préférerez, un fusil de Lepage,
Qui frappe, à deux cents pas, un lapin en voyage.
Tout cela vaudra mieux demain que mes écrits,
Qui n’ont encor tué ni lapins, ni perdrix,
Et ne m’en ont pas fait manger, je vous le jure.
La plume, voyez-vous, est une arme peu sûre,
Qui devant le gibier fait très-souvent long feu,
Et qui semble parfois, sans nous tricher au jeu,
Changer, en l’ajustant, notre but de nature ;
Quand on vise un éloge, on attrape une injure.