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Peut-être : mais pourquoi fermerais-jc les yeux,
Lorsque l’illusion descend pour moi des cieux,
Et vient, de l’espérance agile avant-courrière,
Semer de toutes parts ses berceaux de lumière,
Ses colonnades d’or, ses temples de cristal,
Et de ses châteaux d’air le luxe oriental ?
La vie est comme un fleuve, où notre âme féconde
Peut, comme des bouquets qui parfument son onde,
Jeter un songe heureux, qui passe en nous suivant.
Pourquoi ne pas rêver, si l’on vit en rêvant ?
Tendons, tendons la voile au souffle qui l’appelle.
Permis à l’aquilon d’emporter ma nacelle,
Si je puis un moment du zéphyr caressé,
M’endormir sur la vague, humidement bercé,
Surprendre au nid des mers une perle furtive,
Ou couronner mes mâts des roses de la rive.
Qui cherche à tout prévoir n’ose rien affronter.
Je veux jouir de tout, sauf à tout regretter.
Que mon cœur, s’il le faut, dans les pleurs se dévore,
Qu’il batte torturé, pourvu qu’il batte encore !