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Et de te voir, fuyant vers un monde plus doux,
Dans mon bateau désert m’oublier à genoux.
O mon Dieu ! c’est alors que la mort si tardive,
Aurait dû détacher le nœud qui me captive,
Et fermer l’avenir à mes pas soucieux ;
Que j’aurais emporté de bonheur dans les cieux !

Le vois-tu, maintenant, comment la poésie
Devient un sens de plus, qui fait mal à la vie,
Et comment ce présent, qu’on croit venir du ciel,
Donne à tout ce qu’il touche une saveur de fiel !
Je l’avoûrai pourtant, si cet art que j’insulte,
Envenime un orage, en chantant son tumulte :
Il double aussi la joie, en sachant l’exprimer.
Ma rancune parfois l’ose encor blasphémer ;
Mais souvent, plus souvent, je me dis : La nature
De celle que j’admire, a pour moi la parure ;
La nature est plus belle aujourd’hui qu’autrefois,
Une voix, pour le dire, est mêlée à ma voix.