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Mes auteurs favoris, je ne sais plus leurs noms.
Amis silencieux, qui peuplent nos prisons,
Et qui savent souvent, à notre âme ravie,
Sans presque y rien changer, raconter notre vie,
Mes livres ont perdu leur magique pouvoir :
Leurs conseils sous les yeux, je pleure sans les voir.
Je n’interroge plus ces antiques génies : ;
D’un passé qui s’éteint muettes colonies,
Qui vont, en s’y fixant, consoler l’avenir,
Je n’entends plus leurs voix, pas même en souvenir.
D’Young ou de Byron, mon âme refroidie
A cessé d’écouter la sombre mélodie ;
La cloche de Schiller ne tinte plus pour moi.
Des récits de Milton que m’importe l’effroi,
Son frêle paradis, sa mer de feu vivante,
Et de son lourd chaos la sublime épouvante !
Mon chaos de douleur est plus grand que le sien.
A quoi bon voyager, quand on ne sent plus rien,
Des jardins de Pétrarque à l’univers du Dante !
Pour qui ferais-je encor vibrer leur lyre ardente ?