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Et comme dans les fleurs un serpent bondissant,
La rivière qui court en sillon mugissant ?
T’y ressouviendras-tu que ma main, la première,
T’a, sur le ciel criblé de leurs flèches de pierre,
Des pointes du Brevan dénombré les sommets ?
Rediras-tu les mots dont je les animais,
Quand, pour graver leur forme aux plis de ta mémoire,
J’esquissais de ces rocs le houleux territoire ?
Ces piliers décrépits par la foudre échancrés,
Ces restes d’univers, ces marches, ces degrés,
Dont l’essor immobile escalade les nues,
Ces obélisques morts, ces colonnes chenues,
Qui de la terre au ciel dignes ambassadeurs,
Y portent pour encens leur neige et leurs froideurs :
Au-dessus de l’orage élevant leur panache,
Ces informes géants sculptés à coups de hache,
Qui portent dans leurs bras l’avalanche et la mort,
Tout ce spectacle altier qu’applaudit ton transport,
Aura-t-il dans ton âme un écho pour se plaindre,
Qu’il manque à cette scène un témoin pour la peindre ?