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Il a crié long-temps, et, d’un bec inutile,
Mordu de son cachot le grillage servile :
Il se tait maintenant, et de ses yeux hautains
L’esclavage engourdit les regards souverains.
La montagne lui manque, il dort, ou dans sa cage
Traîne, stupide et lourd, un reste de plumage.
Un voyageur, qui part, La Pérouse des airs,
Place dans son esquif ce vieux roi des éclairs,
Et l’esquif emporté par son globe de soie,
Sur les flots qu’il gravit, en planant, se déploie.
L’aigle alors se ranime, il soulève les yeux,
Il sent, autour de lui, l’air oublié des cieux
Dérouiller les ressorts de son aile suprême :
Son plumage assoupi se gonfle de lui-même ;
Plus la terre s’éloigne, et plus le prisonnier
Sent renaître sa force, et son vol s’éveiller.
Le vaisseau fuit et monte.... On ne voit plus la terre....
Il monte.... Le vieil aigle a reconnu sa sphère,
Bondit, et l’œil plongé dans l’horizon vermeil,
Son cri ressuscité le rattache au soleil.