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Ces sœurs, qu’à nos chagrins le génie accorda,
Clémentine, Imogen, Clarisse, ou Miranda,
Ces êtres fabuleux qu’adopte la misère,
Et qui, sans exister, peuplent pourtant la terre,
Semblaient, tous confondus sous un nom gracieux,
Me dicter un roman, qui m’approchait des cieux.
Je m’étais fait d’un rêve une vague patrie,
Et je ne vivais pas : je préparais la vie.
Je croyais quelquefois sentir, étincelans,
Des yeux mystérieux surveiller mes élans.
Il me semblait si doux, pour une âme oppressée,
De pouvoir, dans une autre, envoyer sa pensée,
Que d’une ingratitude eussé-je dû périr,
J’aurais, pour tout donner, voulu tout conquérir.
Comme, en hiver, l’abeille attend la fleur prochaine,
De mon printemps futur, moi, j’attendais la reine,
Non pas pour lui ravir les parfums qu’elle aurait,
Mais pour lui prodiguer ceux qu’elle m’envîrait.