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Va, je connais ta vie, aussi bien que toi-même ;
Crois-tu qu’on puisse aimer, sans savoir ce qu’on aime ?

Pareil à ces jongleurs, dont les yeux vigilans
Poursuivent l’avenir sur les cartons volans,
Dont ils ont Combiné les couleurs prophétiques,
Ou qui le voient écrit dans ces veines mystiques,
Dont les rameaux croisés sillonnent notre main,
L’œil jaloux du poète, épiant le destin,
De nos fronts, qu’il consulte, interroge les lignes,
Et du passé, qu’il cherche, y reconnaît les signes.
Les faits les plus cachés, qu’on croit les plus secrets,
Impriment, malgré nous, leur cachet sur nos traits.
Sous le rire présent, dont la gaîté l’efface,
Des larmes d’autrefois on reconnaît la trace ;
L’orage, quoique absent, sous le calme apparaît,
Et nous laisse, en fuyant, un repos indiscret.
Ainsi, lorsque l’hiver, dans son réseau de glace,
D’un lac, battu du vent, vient saisir la surface,