Exorcise la crainte, et tel que ce bateau,
Qui court légèrement sur la cime de l’eau,
Que je sente mon ame, oublieuse du monde,
Comme un cygne endormi, suivre le fil de l’onde !
Dieu ! que ne pouvons-nous, toujours seuls, toujours deux,
Les bras entrelacés, comme le sont nos vœux,
Et sans qu’un mouvement nous parle du voyage,
De l’existence ainsi raser le paysage !
Mon bonheur d’aujourd’hui reviendra-t-il demain ?
Aujourd’hui, sur la route, il m’a tendu la main :
Demain, si j’y repasse, y sera-t-il encore ?
Mon paradis du jour reverra-t-il l’aurore ?
Le temps est plus rapide, hélas. ! que notre esquif,
Et quand l’hiver glaçant le rameur inactif,
De vos foyers frileux vous rendra l’esclavage,
Peut-être, Maria, qu’oubliant mon veuvage,
Votre oreille, crédule à de feintes douleurs,
Négligera mes vœux, pour écouter les leurs !
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