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Sans savoir pourquoi, Pardaillan s’intéressait à ce travail, au point d’en être ému.

Il s’approcha de l’enfant, se baissa et examina de près les branchages entrelacés et fleuris que le petit artiste mettait de côté à mesure qu’il les terminait. Il en avait déjà tout un tas.

D’abord, l’enfant, absorbé par son travail, ne vit pas cette figure qui se penchait sur lui. Enfin il leva les yeux, examina un instant la physionomie souriante de l’étranger et, l’ayant sans doute trouvée à son goût, sourit à son tour.

— Que fais-tu là, petit ? demanda alors le chevalier. Tu travailles ?

— Oh ! non, monsieur, je m’amuse. Je ne sais pas encore travailler, moi.

— Oui-da ? Mais c’est très joli, ce que tu fais…

Les yeux de l’enfant flamboyèrent de plaisir. Il recula la branche qu’il tenait, au bout de son bras tendu, et dit avec un accent d’admiration :

— C’est de l’aubépine.

La glace était rompue. Le chevalier s’était accroupi près de l’enfant. Et il s’amusait, lui aussi ! Il redressait des bouts de branche, piquait des fleurettes qui tremblotaient sur leur tige en fil de fer.

— De l’aubépine, reprit-il. Mais pourquoi faire ?

— Ah ! voilà… j’ai un jardin, un petit jardin à moi tout seul.

— Où cela, donc ?

— Là, dans le grand jardin du couvent, tout contre la chapelle. Le père jardinier me l’a donné et m’a dit d’y planter ce que je voudrais.

— Et tu veux y planter de l’aubépine ? sourit Pardaillan.

— Oh ! non, c’est pour l’entourer… pour que les pères ne puissent pas entrer dedans.

— Mais pourquoi n’y mets-tu de la véritable aubépine ?… Et puis l’aubépine ne fleurit pas en cette saison ?…

— Ah ! voilà… c’est pour ça… mon aubépine, à moi, sera toujours fleurie… vous voyez bien ! C’est moi qui fais les fleurs, et je les pique…

— Je vois. Elle est vraiment jolie ton aubépine.

— N’est-ce pas ? fit le petit artiste, ravi de cette approbation d’ailleurs méritée. Et puis, vous ne savez pas ?

— Non, mon petit, je ne sais pas…

— Eh bien, écoutez : je n’ai pas de mère, moi… savez-vous pourquoi ?

— Non, mon enfant, dit le chevalier ému.

— Bon ami me l’a dit. Si je n’ai pas de mère, c’est qu’elle est morte… Savez-vous ce que c’est d’être mort ?… Vous ne savez pas ? Eh bien, on vous met dans la terre… ma mère est dans la terre, au cimetière des Innocents… Bon ami me l’a dit.