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aussi bien proprement tué à la première occasion. Ce qu’il y a eu de magnifique, c’est la grande joie du populaire quand j’eus dit que c’étaient des huguenots qui grillaient…

— Chut ! fit la reine avec un sourire aigu ; ne savez-vous pas que nous faisons la paix pour de bon ?

— Eh ! madame, cela n’empêche pas la paix… au contraire ! répondit Maurevert qui, se sachant indispensable, prenait quelquefois avec la souveraine de ces airs d’indépendance bourrue qui sont la suprême habileté des domestiques supérieurs.

Quant à Quélus et Maugiron, ils dirent au duc d’Anjou.

— Monseigneur, vous êtes vengé… Sans Maurevert, qui a eu des hésitations inexplicables, nous aurions déjà pu vous annoncer la chose depuis une heure. Enfin, c’est fait. L’insolent ne vous regardera plus en face. Il est mort, brûlé vif, avec quelques autres truands de son espèce qui le voulaient défendre.

— Vous êtes vraiment de bons amis, dit le duc d’Anjou en se passant du cosmétique sur les sourcils. Je voudrais être le roi, rien que pour pouvoir vous récompenser selon vos mérites.



Or, pendant que les mignons d’une part, Maurevert, de l’autre, célébraient ainsi la mort de leur ennemi, une aventure survenait aux deux Pardaillan, — aventure qui doit prendre ici sa place.

Ni Pardaillan père, ni Pardaillan fils n’étaient morts. Ils s’étaient bel et bien tirés de la fournaise, voici comment :

Au moment où le feu fut mis aux fascines et où les flammes s’élancèrent, une fumée blanche et odorante, de ces fumées qui montent du bois bien sec, envahit la chambre où étaient réfugiés les assiégés. Mais si odorante que fut cette fumée, elle ne les en menaçait pas moins d’une prochaine asphyxie.

Le chevalier qui piochait depuis cinq minutes s’arrêta un instant, tout en sueur. Le vieux Pardaillan s’empara alors de la pioche et continua la besogne au jugé ; car on ne voyait plus rien.

Quelques minutes angoissantes s’écoulèrent ainsi. La respiration des trois malheureux devenait haletante, et déjà ils entrevoyaient la mort terrible qui les attendait là, lorsque la pioche, dans un dernier coup plus violent et comme désespéré, passa de l’autre côté du mur ; un trou assez large béa…

Alors les deux hommes et Catho, qui pour la force musculaire valait deux femmes, se mirent fébrilement à arracher briques et moellons ; en deux minutes, il y eut un trou suffisant pour donner passage.

Ils passèrent, un peu écorchés il est vrai, mais ils passèrent !

Il était temps : l’incendie ronflait maintenant, et les poutres, les solives crépitaient.

Les trois assiégés se trouvèrent dans une sorte de grenier où le voisin serrait ses sacs de grains pour les volailles qu’il nourrissait. Ce grenier était fermé d’une vieille porte dont on fit sauter la serrure d’un coup de pioche. Alors, ils se précipitèrent dans un escalier qui aboutissait à la cuisine du marchand de volailles.

Cette cuisine ouvrait, d’une part, sur la boutique, mais par là, on aboutissait à la rue, c’est-à-dire en plein traquenard. D’autre part, elle donnait sur une cour assez vaste, dont les quatre côtés étaient occupés par des poulaillers.

— Fuyons ! dit Catho.

— Un instant, répondit le vieux Pardaillan.

— Oui, respirons ! ajouta le chevalier ; nous avons failli en perdre l’habitude.

— C’est-à-dire que je me souviens à peine comment on respire, reprit le routier.

Ces plaisanteries ne les empêchaient pas d’étudier activement le terrain sur lequel ils se trouvaient. La cour était clôturée de murs assez élevés. Mais il était facile de les franchir en montant sur le toit d’un poulailler.

Le chevalier, le premier, se hissa à la force du poignet, sur le poulailler du fond. Il tendit la main à Catho, qui en un instant le rejoignit ; puis ce fut le tour du vieux Pardaillan. De là à la crête du mur, cela devenait un jeu. Et une fois sur le mur, ils n’eurent plus qu’à se laisser tomber sur le sol.

Ils se trouvaient alors dans un jardin de maraîcher assez vaste.

Par le fait, ils étaient sauvés.

— Que vas-tu faire ? demanda le routier à l’hôtesse de l’ex-auberge, maintenant ruine fumante.

Catho eut un soupir.