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— Eh bien, s’il en est ainsi, je vous promets, moi, de faire tout au monde pour hâter votre délivrance.

Le digne gouverneur avait immédiatement établi son plan.

Il laisserait le prisonnier écrire sa dénonciation, puis, sur le premier prétexte, il le ferait descendre dans une de ces bonnes oubliettes où un homme meurt en quelques mois. Armé des révélations, il deviendrait non seulement le sauveur de Guise, selon lui futur roi de France, mais encore le sauveur de la sainte Église.

Il se retira rayonnant.

Un quart d’heure plus tard, le geôlier apporta à Pardaillan deux feuilles de papier, de l’encre et des plumes toutes taillées d’avance.

Le chevalier saisit avidement le papier. Une joie singulière brilla dans ses yeux.

— Dans quelques jours, je serai libre ! s’écria-t-il.

Le geôlier eut un regard narquois.

— C’est votre maître lui-même qui m’ouvrira les portes, continua Pardaillan.

— Mon maître ? fit le geôlier qui crut devoir se départir de sa consigne.

— Oui, le gouverneur, M. de Guitalens.

— Et vous dites que le gouverneur vous ouvrira les portes ?

— Lui-même !

Le geôlier hocha la tête et se retira en songeant :

« C’est un autre genre de folie ; mais au moins, cette fois, c’est de la folie douce. »

Le lendemain matin, de très bonne heure, il arriva dans le cachot en disant :

— Eh bien ! cette révélation, est-elle écrite ? M. le gouverneur peut-il venir la chercher ?

— Pas encore !… Vous comprenez… il faut que je me rappelle bien tout !

— Hâtez-vous, en ce cas… M. le gouverneur est impatient !

— Bon ! Dites-lui que pour avoir attendu, il n’en sera que mieux servi selon ses mérites. Je vous jure qu’il sera content.

— Au point de vous ouvrir les portes lui-même ! ricana le geôlier en se retirant.

Pardaillan demeuré seul approcha l’escabeau de la fenêtre, se hâta d’y monter et colla vivement son visage aux barreaux.

Qu’espérait-il ? Quelle pensée avait soudain illuminé son désespoir ?

Cette pensée devait être bien puissante, car parfois il frissonnait.

Toute la journée, il inspecta du haut de son escabeau les abords de la prison… Il aperçut à deux ou trois reprises son chien qui errait, et murmura avec un sourire attendri :

— Pauvre Pipeau !…

Soudain, comme il prononçait ce mot, il étouffa un cri de joie folle.

— J’ai trouvé ! s’écria-t-il en descendant de son escabeau. J’ai trouvé !…