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— Voilà un bonheur ! s’écria Déodat rayonnant, car il n’avait pas envisagé sans une secrète terreur la solution qu’il avait proposée, l’hôtel Coligny pouvant devenir un centre d’action violente. Mais, ajouta-t-il, pourrai-je vous voir ?

— Oh ! répondit-elle avec volubilité, très facilement. Ma parente est bonne personne… Je lui dirai une partie de mon doux secret… Vous viendrez deux fois la semaine, les lundis et les vendredis, si vous voulez.

— Bon ! Et l’heure de nos rendez-vous ?

— Mais, vers neuf heures du soir…

Il se mit à rire. Il était radieux que les choses s’arrangeassent ainsi.

— À propos, fit-il, où demeure madame votre tante ?

— Rue de la Hache, répondit-elle sans hésitation.

— Près de l’hôtel de la reine ? s’écria-t-il en tressaillant.

— C’est cela même. Non loin de la tour du nouvel hôtel. Vous verrez, presque au coin de la rue de la Hache et de la rue Traversine, une petite maison en retrait, avec une porte peinte en vert. C’est là…

— Si près du Louvre ! si près de la reine ! murmura sourdement le comte… Mais de quoi vais-je m’inquiéter là ?…

Et l’aubergiste étant apparu, il s’occupa de faire servir un déjeuner sommaire à la jeune fille. Ils se mirent à table. Elle mangea de bon appétit. Ce fut une heure charmante.

Enfin, Déodat monta à cheval et prit Alice en croupe, comme cela se pratiquait couramment. La jeune fille était habituée à la manœuvre. Le comte put prendre un trot assez rapide et, vers huit heures du matin, il entra dans Paris.

Bientôt il atteignit la rue de la Hache et déposa sa compagne devant la maison signalée. Elle s’élevait en effet à quelques pas de la colonne dorique que Catherine de Médicis avait fait élever pour Ruggieri.

Quelques têtes curieuses apparurent aux environs ; le jeune homme salua gravement Alice de Lux, en même temps que, des yeux, il lui envoyait un au revoir passionné.

Puis il s’éloigna sans plus se retourner.

Alice l’accompagna du regard jusqu’à ce qu’il eût tourné au coin.

Alors elle poussa un profond soupir ; toute la force d’âme qui l’avait soutenue jusque-là tomba d’un coup.

Défaillante, elle heurta le marteau de la porte verte et murmura :

— Adieu, peut-être à jamais, rêve d’amour, rêve de pureté, rêve de bonheur…






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La porte s’ouvrit. La jeune fille traversa une sorte de jardinet profond de sept