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Selon la promesse qu’elle avait faite, dame Maguelonne, sans même rentrer chez elle, passa tout droit à la Devinière dès que les deux carrosses eurent disparu à un tournant de rue.

Dame Maguelonne était comme toutes les vieilles femmes qui n’ont rien à faire : elle passait son temps à espionner. Elle avait donc parfaitement remarqué le jeune cavalier qui faisait de si longues stations à sa fenêtre ; elle avait fini par savoir à quelle adresse allaient les regards du jeune homme, et comme elle était au mieux avec l’une des servantes de l’hôtellerie, elle l’avait adroitement questionnée et elle avait ainsi appris depuis longtemps tout ce qu’on pouvait savoir du chevalier de Pardaillan, alors que Loïse ignorait jusqu’à son nom.

La vieille dévote flaira donc une affaire d’amour dans laquelle elle allait se trouver mêlée.

Et quoi de plus excitant pour la curiosité d’une vieille confite en dévotion !

Ce fut donc les yeux baissés, mais l’esprit en éveil, qu’elle entra à la Devinière et dit à sa voisine, dame Huguette Landry Grégoire :

— Je voudrais parler au chevalier de Pardaillan.

— Le chevalier de Pardaillan ! s’écria maître Landry qui avait entendu. Mais vous n’avez donc rien vu.

— Non… je ne sais rien… Que se passe-t-il ?…

— Ah ! ah ! du nouveau ! Toute la rue ne parle que de ça. Il est vrai que de votre côté, vous deviez être fort occupée. En voilà des événements !…

— Mais que se passe-t-il donc, au nom du ciel ?

— Eh bien, le terrible Pardaillan… Pardaillan le pourfendeur, Pardaillan le matamore, eh bien, il est arrêté !

— Arrêté ! fit la vieille en pâlissant — non pas qu’elle s’intéressât au sort du chevalier, mais déjà elle craignait d’être compromise.

Huguette Landry fit tristement signe que son mari disait l’exacte vérité, tandis que l’aubergiste, radieux, tout rouge de joie, ou peut-être simplement du feu de ses fourneaux, reprenait :

— C’est bien son tour ! Ça lui apprendra à saisir les bons bourgeois par le collet et à les tenir suspendus dans le vide ! Ah ! mais… c’est bien fait.

— Et qu’a-t-il fait ?

— Il paraît qu’il conspirait avec les damnés huguenots, fit Landry à voix basse et en regardant autour de lui, comme si le seul fait de savoir un pareil secret pouvait lui attirer d’innombrables calamités.

Pour le coup, dame Maguelonne se mit à trembler.

Elle se retira précipitamment, rentra chez elle et enfouit la lettre qui lui avait été confiée dans une cachette.

« Tout devient clair ! songea-t-elle. C’étaient bien des huguenotes, et elles conspiraient avec le parpaillot d’en face !