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Diane se leva.

C’était une grande belle femme qui ne manquait ni de cœur ni d’esprit.

— Monsieur le maréchal, dit-elle doucement, venant de tout autre que vous, une pareille franchise m’eût en effet offensée. Mais à vous, monsieur, je pardonne tout… Obéissons donc au vœu du roi, et gardons chacun notre cœur. C’est bien ainsi que vous l’entendez ?…

— Madame…, murmura François en pâlissant… car peut-être avait-il espéré une autre réponse.

— Allez, monsieur le maréchal. Je respecterai le deuil de votre cœur…

Et comme il s’inclinait en baisant la main de la princesse, avec un sourire mélancolique, elle ajouta :

— Maître Ambroise Paré prétend que j’ai d’étonnantes dispositions pour la médecine… Qui sait si je n’arriverai pas à vous guérir ?…

C’est ainsi que fut conclu le pacte.

Après la cérémonie, François se lança à corps perdu dans une série de dangereuses campagnes ; mais, comme il l’avait dit, il paraît que la mort ne voulait pas de lui.

Quant à Henri, il ne revit pas son aîné. On eût dit, d’ailleurs, que les deux frères cherchaient à s’éviter. Quand l’un guerroyait dans le Nord, l’autre se trouvait dans le Midi.

Le jour de la rencontre devait pourtant venir, et de terribles drames se préparaient pour ce jour-là…

Car les deux frères aimaient toujours.

Ils aimaient la même femme — maintenant disparue — sans qu’aucun d’eux, malgré des recherches ardentes, eût jamais pu la retrouver.

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Qu’était-elle donc devenue, cette femme tant adorée ? Plus heureuse que François, avait-elle trouvé un refuge dans la mort ? Avait-elle cessé de souffrir, et l’abominable calvaire de son cœur d’épouse et de mère l’avait-il conduit au tombeau ?

Non ! Jeanne vivait !…

Si lutter sans cesse contre la douleur, si étouffer à chaque seconde les palpitations et les élans d’un cœur passionné, si passer des nuits, des mois, de mornes années à pleurer le paradis perdu, peut s’appeler vivre !…

Comment la malheureuse avait-elle quitté l’hôtel de Montmorency après l’effroyable scène où s’était consommé son sacrifice ? Comment ne mourut-elle pas de désespoir ? Qui la recueillit et la sauva ? Comment s’écoulèrent les années qui suivirent, lente et sombre agonie d’amour ?…

Il nous a été impossible de reconstituer ces épisodes d’une existence flétrie.

Nous retrouvons Jeanne dans une pauvre maison de la rue Saint-Denis. Elle habite tout en haut, sous les toits, un étroit logement composé de trois petites