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On avait laissé l’Oise et l’Aube, on atteignait la limite du camp retranché : déjà, des casques à pointe avaient surgi sur les rives opposées de l’Oise, de l’Ourcq et du Grand-Morin ; Compiègne venait d’être occupée par l’ennemi ; Senlis et Creil flambaient ; Chantilly avait reçu la visite d’un détachement bavarois ; à l’est, Lagny avait aperçu des uhlans : le fort de Vaujours avait ouvert le feu, tandis que Paris recevait à coups de fusil et de mitrailleuses les « Taube » de l’armée de von Kluck et, sous l’impulsion énergique du général Galliéni, hâtait, improvisait dans une ardeur pleine de fièvre, sa défense…


Une batterie de 75 en position près de Villers-Cotterêts. (Cl. Chusseau-Flaviens.)

Efforts hasardeux, résistance compromise, semblait-il : le grand état-major allemand n’en doutait point : sur le rapport de ses espions, il escomptait notre découragement : il croyait pouvoir en toute sécurité tenter l’attaque brusquée, la « grande trouée » contre le secteur de l’Est.

L’armée du Kronprinz, auquel était réservé l’honneur de descendre le premier les Champs-Elysées, avançait à marches forcées à travers l’Argonne ; celle du prince de Wurtemberg atteignait Châlons-sur-Marne ; les forces du général von Bulow s’étendaient à l’ouest de Reims et celles du général von Heidenberg remontaient à l’est et jusqu’à Verdun. Le puissant étau allait chercher à encercler nos armées, tandis qu’une pointe — l’armée de von Kluck — pénétrerait jusqu’à Paris.

HEUREUSE INSPIRATION DE NOS CHEFS.

Telle était la situation vers la fin de l’après-midi du 3 septembre, lorsque soudain un revirement se produisit qui allait d’une heure à l’autre, pour ainsi dire, en modifier totalement l’aspect. On apprenait que l’extrême droite allemande — l’aile von Kluck qui, déjà, frôlait Paris — venait d’accomplir brusquement une conversion à droite et de s’étendre vers Meaux et Coulommiers ; on apprenait en même temps l’arrivée autour de Paris de troupes fraîches, celles notamment d’une division du Maroc.

Pendant deux jours et deux nuits, deux hommes en perpétuel contact au bout d’un fil téléphonique, s’étaient concertés pour écarter le péril, prévenir le danger, organiser la résistance ; ils avaient élaboré avec une clairvoyance, une rapidité de décision merveilleuses le plan qui allait tout changer : ces deux hommes, c’étaient le général Joffre et le général Galliéni.

Pendant deux jours et deux nuits, des centaines de trains sillonnèrent les lignes de l’Est, du Nord et du Midi, déversant sur Paris des régiments et des batteries. D’où