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et lettres intimes

Et les feuillages d’or, berceaux brûlants du ciel,
Où s’épanche l’amour des yeux d’Emmanuel,
Les soleils chevelus et les étoiles blanches
Qui mettent dans la nuit des rubis à nos branches,
Ces purs regards du soir dont les pauvres mortels
Contemplent à genoux les rayons immortels,
Sous l’épaisseur du doigt de l’Ange, tout s’efface,
Comme un rêve oublié, comme un éclair qui passe.
Puis, monte de ta lèvre un plus sublime accord :
Le ciel étreint les monts, les flots mordent le bord,
Minuit roule son glas, et, sur son coursier pâle,
Ce spectre si hideux et terrible qui râle
À réveiller au bruit enfers, mondes et cieux,
La Mort, maigre fantôme, aux coups mystérieux,
Vampire décharné qui jamais ne fait grâce,
Qui jamais ne s’arrête et jamais ne se lasse,
Court à bride abattue et, par les sombres soirs,
Prend les peuples dormants dans ses bras nus et noirs.

Ô tempête, ô beauté, nature échevelée,
Océan, vieux lion, crinière soulevée,
Qui croises ton regard avec l’éclair des cieux,
Râles profonds des vents, sanglots mystérieux,
Ô vieux monde croulant dans la foudre sacrée,
Ô Mort !… vous êtes beaux, quand son âme enivrée,
Avec un cri sublime, et par la nue en feu,
Chevauche l’ouragan sous l’haleine de Dieu !
Mais vous, blancs Chérubins des voûtes immortelles,
Qui semez dans nos nuits les rubis de vos ailes,