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et lettres intimes

Ne saurait plus chanter votre beauté chérie,
Et des cygnes divins on n’entend plus, parfois,
Les chants tomber des cieux, comme aux jours d’autrefois.




À LA MÊME



Parmi ces jeunes fronts pleins de fraîches pensées ;
Parmi ces purs regards, rayons mystérieux,
Dont s’abreuvaient longtemps nos âmes oppressées,
Comme l’oiseau chanteur au doux réveil des cieux ;
Parmi ces pas charmants qui ne touchent la terre
Que rares et craintifs ; entre toutes ces voix
Que la bonté remplit, qu’aucune ombre n’altère,
Où la grâce s’unit à la candeur, parfois
N’avez-vous rencontré, blanche entre les plus belles,
Une femme pensive et marchant, sans vous voir,
D’un pied calme et léger ?… On lui dirait des ailes,
Quand son doux corps se perd dans la vapeur du soir.
N’avez-vous aperçu, sous ses longues paupières,
Un pur regard voilé qui s’écoule du cœur,
Tel un ange d’amour, des divines lumières,
Jette un regard pensif sur l’humaine douleur ?

Pauvres hommes tombés, si votre âme flétrie
Se consumait, un jour, de regrets et de fiel,
Pour être heureux encore, oh ! contemplez Marie…
D’où viendrait le bonheur, si ce n’était du ciel !