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et lettres intimes

Nouvelle ;… et cette voix plus douce et moins austère
Qu’elle rêvait, charmant mon sentier solitaire,
Cette pure amitié qui fuyait pour jamais,
C’était vous… Oh ! merci, car je vous attendais !

Et je vais, maintenant, de mon âme oppressée,
Vous dire, ô mon ami, la plus simple pensée.

Vous m’avez bien compris : mon ciel étincelant,
Mes beaux arbres, les flots de nos grèves natales,
Ont laissé dans mon cœur leur souvenir brûlant…
Oui, j’éprouve loin d’eux des tristesses fatales…

Ô mon île, ô mon doux et mon premier berceau,
Mère que j’ai quittée ainsi qu’un fils rebelle,
J’irai sous tes palmiers me choisir un tombeau…
La France est douce aussi, mais la France est moins belle.

Mangoustans, frais letchis, dont j’aimais le parfum,
Oh ! mes jeux, tout enfant, à l’ombre des jamroses,
Mon Orient vermeil, qui brûlais mon front brun,
Aube qui me frôlais de tes lèvres de roses !

Pardon ! J’ai loin de vous égaré mon destin !
Pourtant je vous aimais, ô brumes diaphanes,
Feuillages nonchalants que perlait le matin,
Et vous, ô mes ravins, et vous, ô mes lianes !