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et lettres intimes



XXXVII



TRISTESSE


À ma mère.

« Les êtres jeunes
souffrent de leur jeu-
nesse ; l’inconnu les ap-
pelle. »

(Mme A. Dupin.)


Si l’inquiet bonheur, ce charme du désir,
Ne produit qu’un plus cher, un plus calme plaisir ;
Si la mélancolie est douce au cœur tranquille,
La tristesse est amère et n’est point si mobile.
Le souvenir de ceux qu’on aimait autrefois,
Qu’on aime encor, sans doute, est bien pur..., mais parfois
Ce même souvenir oppresse la pensée ;
Et le vif sentiment d’une ivresse passée,
Le poids cruel et lourd de notre isolement,
Ce bonheur envolé qu’on revoit si charmant,
Qu’alors on dédaignait, comme une ardente flamme,
Tout revient éveiller la douleur en notre âme ;
Tout n’est plus qu’un reproche, un intime remords,
Et le cœur se flétrit devant ses propres torts.