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et lettres intimes


À UNE JEUNE INDIENNE


À Mlle Amélie Delpit, ma cousine,
ceci est dédié.


Sous les palmiers, frais berceaux du vieux Gange,
Céleste enfant, quel rayon t’anima ?
De notre Christ es-tu quelque doux ange ?…
Ou de l’aurore, au souffle de Brahma,
Un blanc génie, aux ailes de topaze,
Abandonnant son palais dans les cieux,
Se cache-t-il sous ta robe de gaze,
Pour éblouir et notre âme et nos yeux ?

De ta venue apprends-nous le mystère ;
Cette senteur de la myrrhe et du miel,
Est-ce ton cœur qui parfume la terre,
Est-ce l’esprit qui regrette le ciel ?…
Ce long regard qui luit sous ta prunelle,
Toujours charmant, mais quelquefois pensif,
Reflète-t-il un séjour primitif,
Où s’entr’ouvraient les plumes de ton aile ?

Pardonne, enfant, nos désirs indiscrets ;
Mais la beauté du ciel même est l’image,
Et tout rayon qu’elle laisse au passage
Fait pressentir d’ineffables secrets.