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et lettres intimes



XXVIII


Rennes, 20 juin 1839.


N’est-il pas étonnant, mon Ami, que la beauté agisse parfois aussi violemment sur notre âme ? Car enfin, bien qu’on ait dit souvent que la grâce extérieure n’est que le reflet d’une grâce mystérieuse, il n’en est pas moins vrai que la vue d’une forme pleine d’harmonie fait naître dans l’âme de subites ivresses qui, cependant, ne sont pas l’effet de la pensée exaltée ou des sens émus. Vous devez avoir éprouvé cela ? Pour moi, voilà ce que je ressens toutes les fois que je revois et que j’entends Léontine Fay. Mon Dieu, que je suis enfant encore ! Pendant quinze jours, je serai inquiet, tourmenté, incapable d’aucun travail ; c’est à peine si je puis vous écrire, tant mes idées sont confuses. Des inquiétudes nerveuses me courent de la