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L’éternel Runoïa descendit en silence.
Dépossédé d’un monde, il lança sur la mer
Sa nacelle d’airain, sa barque à fond de fer ;
Et tandis que le vent, d’une brusque raffale
Tordait les blancs flocons de sa barbe royale,
Les regards attachés aux débris de sa tour,
Il cria dans la nuit : — Tu mourras à ton tour !
J’atteste par neuf fois les Runas immortelles,
Tu mourras comme moi. Dieu des âmes nouvelles,
Car l’homme survivra. Vingt siècles de douleurs
Feront saigner sa chair et ruisseler ses pleurs,
Jusqu’au jour où ton joug subi deux mille années,
Fatiguera le cou des races mutinées ;
Où tes temples dressés parmi les nations
Deviendront en risée aux générations ;
Et ce sera ton heure ! et dans ton ciel mystique,