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POÈMES BARBARES.

Mille torches pourtant flambent autour des salles,
Et nul souffle n’émeut leurs flammes colossales.
Des ours d’or accroupis portent de lourds piliers
Où pendent les grands arcs, les pieux, les boucliers,
Les carquois hérissés de traits aux longues pennes,
Des peaux de loups géants, et des rameaux de rennes ;
Et là, mille Chasseurs, assis confusément,
Versent des cruches d’or l’hydromel écumant.
Les Runoïas, dans l’ombre allumant leur paupière,
Se courbent haletants sur les harpes de pierre :
Les antiques récits se déroulent en chœur,
Et le sang des aïeux remonte dans leur cœur.
Mais le vieux roi du Nord à la barbe de neige
Reste silencieux et pensif sur son siège.
Un éternel souci ride le front du Dieu :
Il couvre de Runas la peau du Serpent bleu,
Et rêve inattentif aux hymnes héroïques.
Un réseau d’or le ceint de ses anneaux magiques ;
Sa cuirasse est d’argent, sa tunique est de fer ;
Ses yeux ont le reflet azuré de la mer.
Auprès du Dieu, debout dans sa morne attitude,
Est le guerrier muet qu’on nomme Inquiétude.


LES RUNOÏAS


Où sont les héros morts, rois de la haute mer,
Qui heurtaient le flot lourd du choc des nefs solides ?
Ils ne sentiront plus l’âpre vent de l’hiver
Et la grêle meurtrir leurs faces intrépides.