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LE BARDE DE TEMRAH.

Ô chefs ! j’ai trop vécu. Quand l’aube renaîtra,
Je vous aurai rejoints dans la nue éternelle,
Et, comme en mes beaux jours, ma harpe chantera ! —

L’apôtre dit : — Vieillard ! ta raison se perd-elle ?
Il n’est qu’un ciel promis par la bonté de Dieu,
Vers qui l’humble vertu s’envole d’un coup d’aile.

L’infidèle endurci tombe en un autre lieu
Terrible, inexorable, aux douleurs sans relâche,
Où l’Archange maudit l’enchaîne dans le feu !

— Étranger, réponds-moi : Sais-tu ce qu’est un lâche ?
Moins qu’un chien affamé qui hurle sous les coups !
Quelle langue l’a dit de moi, que je l’arrache !

Où mes pères sont-ils ? — Où les païens sont tous !
Pour leur éternité, dans l’ardente torture
Dieu les a balayés du vent de son courroux ! —

Le vieux Barde, à ces mots, redressant sa stature,
Prend l’épée, en son cœur il l’enfonce à deux mains
Et tombe lentement contre la terre dure :

— Ami, dis à ton Dieu que je rejoins les miens. —