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LE BARDE DE TEMRAH.


Jette un cri vers ce Dieu rayonnant et caché,
Reçois l’Eau qui nous rend plus forts que l’agonie,
Remonte au Jour sans fin de la nuit du Péché !

Et ta harpe, aujourd’hui veuve de ton génie,
À Celui dont la terre et tous les cieux sont pleins
Emportera ton âme avec son harmonie ! —

L’autre reste immobile, et, dressé sur ses reins,
Prête l’oreille au vent, comme si les ténèbres
Se remplissaient d’échos venus des jours anciens.

— Ô palais de Temrah, séjour des Finns célèbres,
Dit-il, où flamboyaient les feux hospitaliers,
Maintenant, lieu désert hanté d’oiseaux funèbres !

Salles où s’agitait la foule des guerriers,
Que de fois j’ai versé dans leurs cœurs héroïques
Les chants mâles du Barde à vos murs familiers !

Hautes tours, qui jetiez dans les nuits magnifiques
Jusqu’aux astres l’éclat des bûchers ceints de fleurs,
Et couronniez d’Érinn les collines antiques !

Et vous, assauts des forts, ô luttes des meilleurs,
Cris de guerre si doux à l’oreille des braves !
Étendards dont le sang retrempait les couleurs !