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POÈMES BARBARES.


Depuis, il a soumis ta race belliqueuse ;
Des milliers ont reçu le baptême éternel,
Et les anges, Érinn, te nomment bienheureuse !

Mais tous n’ont point goûté l’eau lustrale et le sel ;
Il en est qui, remplis de songes immuables,
Suivent l’ancien soleil qui décroît dans le ciel.

La nuit monte. Parmi les pins et les érables
Gisent de noirs débris où la flamme a passé,
Du vain orgueil de l’homme images périssables.

Le lichen mord déjà le granit entassé,
Et l’herbe épaisse croît dans les fentes des dalles,
Et la ronce vivace entre au mur crevassé.

Les piliers et les fûts qui soutenaient les salles,
Épars ou confondus, ont entravé les cours,
En croulant sous le faix des poutres colossales.

C’est dans ce palais mort, noir témoin des vieux jours,
Que l’Apôtre s’arrête. Au milieu des ruines
Il s’avance, et son pas émeut les échos sourds.

Les reptiles surpris rampent sous les épines ;
L’orfraie et le hibou sortent en gémissant,
Funèbre vision, des cavités voisines.