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LA VIGNE DE NABOTH.


Car je suis plein de rage et j’écraserai tout !
Et l’on verra le sang des rois, tel qu’une eau sale,
Déborder des toits plats et rentrer dans l’égout.

Va ! Ceins tes reins, Akhab, excite ta cavale,
Fuis, comme l’épervier, vers les bords Libyens,
Enfonce-toi vivant dans la nuit sépulcrale…

Tu ne sortiras pas, ô Roi ! de mes liens,
Et je te châtirai dans ta chair et ta race,
Ô vipère, ô chacal, fils et père de chiens ! —

Akhab, poussant un cri d’angoisse par l’espace,
Dit : — J’ai péché ; ma vie est un fumier bourbeux. —
Il déchire sa robe et se meurtrit la face.

De fange et de graviers il souille ses cheveux,
Disant : — Gloire au Très-Fort de Juda ! Qu’il s’apaise !
Sur l’autel du Jaloux j’égorgerai cent bœufs !

Que suis-je à sa lumière ? Un fétu sur la braise.
La rosée au soleil est moins prompte à sécher ;
Moins vite le bois mort flambe dans la fournaise.

Je suis comme le daim, au guet sur le rocher,
Qui geint de peur, palpite et dans l’herbe s’enfonce,
Parce qu’il sent venir la flèche de l’archer.