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POÈMES BARBARES.


Je fracasse leurs chars, je souffle sur leur gloire ;
Ils sont tous devant moi comme un sable mouvant,
Et j’enfouis leurs noms perdus dans la nuit noire.

Donc, le sang de Naboth crie en vous poursuivant,
Akhab de Samarie, et toi, vile idolâtre !
Le spectre de Naboth sanglote dans le vent.

Dans le puits du désert où filtre l’eau saumâtre,
Entre vos murs de cèdre et sous l’épais figuier,
Dans les clameurs de fête et dans les bruits de l’âtre,

Dans le hennissement de l’étalon guerrier,
Dans la chanson du coq et de la tourterelle,
Akhab et Jézabel, vous l’entendrez crier !

Naboth est mort ! Les chiens mangeront la cervelle
Du couple abominable en son crime têtu ;
Ma fureur fauchera cette race infidèle :

Comme un bon moissonneur, de vigueur revêtu,
Qui tranche à tour de bras les épis par centaines,
Je ferai le sol ras jusqu’au moindre fétu.

Dis-leur : Voici le jour des sanglots et des haines,
Où l’exécration se gonfle, monte et bout,
Et, comme un vin nouveau, jaillit des cuves pleines.