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LES PARABOLES DE DOM GUY.

De clameurs et de vols impurs, le lieu divin !
Le Roi Christ était doux, plein de miséricorde ;
Mais j’ai vu qu’il tirait de sa robe une corde
Noueuse, mise en trois et dure comme il faut,
Et qu’à grands coups de fouet il les chassait d’en haut
Par les rampes, crevant les sacs, les escarcelles
Pleines d’argent, poussant les bœufs sur les vaisselles,
Et les outres de vin sur les riches tissus,
Et l’âne sur l’ânier et le tout par-dessus ;
Parce que cette engeance, ainsi qu’au temps moderne,
Faisait de la maison divine une caverne !

Et tandis que Jésus rendait ce jugement
Et fouettait ces voleurs très véhémentement,
Les disciples, non loin, assis sous les portiques,
Méditaient, le cœur plein de visions mystiques,
Et de l’âme cherchaient, comme d’autres des yeux,
Le Royaume du Maître au delà des sept cieux.
Nul ne se souciait, plongé dans sa pensée,
De la foule en rumeur hors du Temple chassée,
Croyant que tout est bien sur terre, quand on croit,
Et que le mieux, après, arrive par surcroît.
Et le roi Christ survint, disant : — Ce n’est point l’heure
De prier, quand le feu dévore la demeure.
Bienheureux qui se lève, et, luttant, irrité,
Pour la justice en peine et pour la charité,
Applique sur le mal l’efficace remède !
Et malheur à qui n’est ni chaud ni froid, mais tiède !