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POÈMES BARBARES.

Et le tétrarque Hérode et le vieux sanhédrin,
La cité de David liée au joug d’airain,
Josaphat, le Cédron et les saintes piscines,
Et le bois d’oliviers aux antiques racines.
Et voici que j’ai vu, par le soleil levant,
Le Temple où résidait l’arche du Dieu vivant.
Une foule, semblable à des essaims d’abeilles,
Entrait, sortait. Ceux-ci ployés sous des corbeilles
De légumes, de fruits ou de chairs en quartiers ;
Ceux-là traînant des bœufs. Gens de mille métiers,
Vendeurs de lin d’Égypte et vendeurs de ramées,
Vendeurs de graisse brute ou d’huiles parfumées,
D’étoffes et de vins de la Perse, et d’amas
De glaives et de dards fabriqués à Damas,
De piques, de cuissards, de casques et de dagues ;
Orfèvres, débitant les colliers et les bagues ;
Changeurs d’or et d’argent bien munis de faux poids,
Marchands de sel, marchands de résine et de poix ;
Marchands de grains, donnant la mauvaise mesure,
Et force grippe-sous prêtant à grande usure
Autour des Chérubins et des sept Chandeliers.
Donc, du parvis profond au bas des escaliers,
Le Temple n’était plus qu’une halle effroyable
Dont les Anges pleuraient et dont riait le Diable.
Or, voici que j’ai vu, sous ses beaux cheveux roux,
Jésus, Notre Seigneur, très pâle de courroux,
Qui passait à travers toutes ces industries
Et ces gens par la soif d’un lucre vil flétries,
Infectant de fumier, de graisses et de vin,