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POÈMES BARBARES.

Se soûler à pleins brocs du vin de l’adultère.
Rois d’Asie et consuls de Rome, jours et nuits,
Y coudoyaient, tout pleins d’imbéciles ennuis,
L’esclave et l’homme noir à la face abêtie
Que, dès l’aube, la mort happait à la sortie.
Mais tous étaient frappés du même aveuglement,
Cette larve et le peuple antique son amant ;
Tous péchaient et mouraient sous la loi d’anathème,
Ignorant la Parole et les fonts du baptême ;
Car ton soleil, Jésus, ne s’était point levé
Sur la femme, chair vile, et sur l’homme énervé.
Or j’ai vu, comme aux temps de cette Égyptienne,
Seigneur Christ ! En Paris, la Ville très chrétienne,
L’oratoire royal étant un mauvais lieu,
La débauche s’ébattre à la face de Dieu ;
Et, l’Époux étant fol, l’Épouse déchaînée
Meurtrir la bonne France aux quatre bouts saignée,
La vendre par quartiers à l’inceste éhonté,
Au parjure damnable, au meurtre ensanglanté,
Aux limiers d’Armagnac, aux bouchers de Bourgogne ;
Pourvu que, secouant sa dernière vergogne,
La Ribaude, en horreur même aux plus avilis,
Prostituât sa chair sur la couche des Lys !
Et voici que j’ai vu, dans la vapeur malsaine
Épandue aux deux bords marécageux de Seine,
Force maisons de Dieu, silencieusement,
Monter comme des bras au sombre firmament ;
Et j’ai vu, tout navrés durant ces infamies,
Au fond des saintes nefs à cette heure endormies,