Page:Leconte de Lisle - Poèmes barbares.djvu/340

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
330
POÈMES BARBARES.

Épuiser brusquement tout le sang de ta veine.
Adore-moi, fétu de paille ! Et tu seras
Comme un cèdre immobile avec de larges bras,
Dans leur germe étouffant les arbres et les plantes
Et versant l’ombre immense aux nations tremblantes. —
Et le petit enfant Emmanoël lui dit :
— Tu ne tenteras point le seigneur Dieu, maudit !
Ta puissance est fumée, et ta force est mensonge ;
Et j’ai mieux : les trois Clous et la Lance et l’Éponge ! —

Le Spectre ceint de flamme, en entendant cela,
Comme une haute tour dans l’ombre s’écroula.

Je vous le dis, Benoît, Grégoire et Jean, vicaires
De l’Antéchrist, gardiens des damnés reliquaires,
Mulets mitrés, crossés, malheur à vous, malheur,
Qui navrez le bercail très chrétien de douleur,
Triple déchirement de la Foi, triple plaie
Dont le troupeau dolent des saints Anges s’effraie !
Triple spectre d’Orgueil, gare aux gouffres ardents
Où sont les pleurs avec les grincements de dents !


II


En Esprit, j’ai plané du haut des cieux sans bornes,
Oyant les nations en tumultes ou mornes,
Bruit lugubre parfois et tantôt irrité,