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L’AGONIE D’UN SAINT.


Ils se sont tous rués du Nord sur le Midi,
Bandits et chevaliers, princes sans patrimoine ;
Mais le plus orgueilleux comme le plus hardi
A touché de son front la sandale du moine !

Et le monde n’étant, ô Christ, qu’un mauvais lieu
D’où montait le blasphème autour de votre Église,
J’ai voué toute chair en holocauste à Dieu,
Et j’ai purifié l’âme à Satan promise.

Seigneur, Seigneur ! parlez, êtes-vous satisfait ?
La sueur de l’angoisse à mon front glacé fume.
Ô Maître, tendez-moi la main si j’ai bien fait,
Car une mer de sang m’entoure et me consume.

Elle roule et rugit, elle monte, elle bout.
J’enfonce ! Elle m’aveugle et me remplit la bouche ;
Et sur les flots, Jésus ! des spectres sont debout,
Et chacun d’eux m’appelle avec un cri farouche.

Ah ! je les reconnais, les damnés ! Les voilà,
Ceux d’Alby, de Béziers, de Foix et de Toulouse,
Que le fer pourfendit, que la flamme brûla,
Parce qu’ils outrageaient l’Église, votre épouse !

Sus, à l’assaut ! l’épée aux dents, la hache au poing !
Des excommuniés éventrez les murailles !
Tuez ! à vous le ciel s’ils n’en réchappent point !
Arrachez tous ces cœurs maudits et ces entrailles !