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POÈMES BARBARES.


J’eusse mieux fait, n’était mon attache charnelle
Et le mauvais orgueil d’envahir mes voisins,
D’aller vers l’Orient chasser les Sarrasins
Qui font trôner Mahom sur la Tombe éternelle.

J’ai parjuré ma foi, j’ai menti grandement
Quand j’en donnai parole au Siège apostolique ;
Mais, par l’incorruptible et céleste relique,
Par le vrai bois de Christ, je tiendrai mon serment.

Saint père ! Me voici comme je vins au monde,
Faible et nu, devant toi, mon juge et mon recours.
J’ai prié sans relâche et jeûné quatre jours,
Je me suis repenti : guéris ma lèpre immonde.

Roi des âmes, Vicaire infaillible de Dieu,
Toi qui gardes les clefs de la Béatitude,
Si l’expiation soufferte est assez rude,
Grâce ! Sauve ma chair et mon âme du feu ! —

Et le César, heurtant les dalles de la tête,
Baise les pieds du moine et reste prosterné.
L’autre le laisse faire et dit : — Sois pardonné !
La majesté du Siège unique est satisfaite.

Ce n’est point devant l’homme impuissant, faible et vieux,
Que l’Empereur armé du glaive s’humilie ;
C’est aux pieds de Celui qui lie et qui délie,
Tant que vivra la terre et que luiront les cieux.