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POÈMES BARBARES.

Vers la gloire des cieux éternels déployons
L’extase aux ailes d’or sous la dent des lions.
Multipliez en nous vos douleurs adorables,
Seigneur ! Que nous soyons errants et misérables,
Qu’un soleil dévorant consume notre chair !
Le mépris nous est doux, l’outrage nous est cher,
Pourvu que, gravissant la cime du supplice,
Nous puissions jusqu’au bout tarir votre calice,
Et, tout chargés d’opprobre et couronnés d’affronts,
D’une épine sanglante auréoler nos fronts !
Ô morne solitude, ô grande mer de sables,
Assouvis nos regards de choses périssables ;
Balaye à tous les vents les vieilles vanités,
La poussière sans nom des Dieux et des cités ;
Et pour nous arracher à la matière immonde,
Ouvre ton sein de flamme aux transfuges du monde !
Fuyons ! voici venir le Jour mystérieux
Où, comme un peu de cendre aux quatre vents des cieux,
La terre s’en ira par l’espace sublime.
Oh ! combien rouleront dans le brûlant abîme !
Mais l’Ange par nos noms nous appellera tous,
Et la face de Dieu resplendira pour nous ! —


III


Ô rêveurs, ô martyrs, vaillantes créatures,
Qui, dans l’effort sacré de vos nobles natures,
Poussiez vers l’idéal un sanglot éternel,